jeudi 19 février 2015

Gaston RULLIER - Parcours d'une vie par Estelle MINORET et Hortense TODESCO....UNE BIEN BELLE PAGE D ECRITURE !.




Papy Gaston,
    On te surnommait affectueusement papy de la Ville, tant les oiseaux et les fleurs de la Ville des Glaciers se souviennent de toi. C’est déjà dans ces alpages que tu es né le 14 août 1920, à 7 mois, alors que ta mère, Jeanne Gaymard était montée faire les foins. La nature et les bêtes n’attendaient pas. Tu es le onzième d’une nombreuse famille de treize enfants. Ton père Romuald Rullier et sa femme sont agriculteurs, et la Ville des Glaciers est votre terroir, tout comme Crousaz deviendra le bastion familial des alpagistes en quête d’un repos hivernal.
    Ta jeunesse est celle avant tout d’un écolier car tes parents sont attachés à te faire suivre une scolarité catholique à l’École des Frères. Je crois que tu en gardes un très bon souvenir tant tu t’y es fais de si bons amis. Tu parlais surtout de ces sacrés tignards.
    Tu n’usais pas seulement tes culottes sur les bancs de l’école, mais aussi à la chasse. Tu pratiquais déjà le ski de randonnée avec ton frère Antoine. Et l’hiver tu te rendais à la Croix et au Crêt à la recherche de gibier. C’était tes repères.
    Mais la guerre éclata en 1939, elle prit, endeuilla, dévasta. Tu eus la douleur d’y perdre ton frère Léon, puis on t’envoya en chantier de jeunesse aux Côtes de Laffrey, et enfin l’occupation italienne vous força à quitter vos terres avec famille et bétail en exil dans le Beaufortain. La guerre t’endeuilla encore de deux bons amis, deux frères, Robert et Raymond Payot, fauchés par un obus à Bourg-Saint-Maurice. Enfin,  les allemands en retraite brulèrent les chalets de la Vallée des Glaciers qu’il vous fallu reconstruire avec tes frères Antoine et Raymond afin de redémarrer l’activité pastorale.
    L’année 1953 est celle de ton mariage avec mamie Odette, née Gilly. Vous aurez à la Bourgeat quatre enfants, qui alternent école et travail aux champs, tant il y a à faire en alpage. Tu connais la valeur de ce travail et la valeur de ton fromage, que tu t’évertues à promouvoir à la coopérative laitière, et participe à la création du label AOC avec ton ami du Beaufortain Maxime Viallet.   
    C’est aussi à cette période que tu construis ta ferme avenue du Maréchal Leclerc.
    Tes mandats au Conseil Municipal achèvent de toi le portrait d’un homme au service des autres.
    Beaucoup gardent de toi le souvenir d’un alpagiste aguerri, guidant troupeaux et touristes sur les sentiers de la Ville des Glaciers et des Lanchettes. On m’a toujours dit que tu aimais le travail et que c’était le plus important.
    Merci Papy de nous laisser ta chapelle Notre Dame des Neiges, que tu as toujours entretenue. Nous continuerons la belle tradition de tous nous rassembler pour une célébration au mois d’août.
    On se souviendra de ta retraite paisible avec tes dix petits enfants. On se souviendra de toi papy bricoleur, papy professeur des fois, je crois que tu as eu à cœur de nous transmettre l’amour que tu portais à tes montagnes, la nécessité de les préserver, de s’en occuper.
    Papy, papy souriant toujours à nos côtés  dans nos jeux d’enfants, ta bienveillance et ta patience nous ont accompagnées tout au  long de notre enfance.
    Nous avons tous profité des jeux en bois que tu nous fabriquais, quand il te restait des outils, force est de constater que tes chenapans de petits enfants te les avaient dérobés quelques minutes auparavant.
    C’était bien toi qui surveillais nos premiers pas en tant que faucheurs, bucherons, éleveurs de lapins, arracheurs de clous, fabricants de buchettes et de balais qu’on ne passait jamais. On touchait à tout, il y en avait de partout.
    Mais le soir venu, tu fermais avec soin ton cagibi, signe qu’il fallait attendre le lendemain pour tout recommencer. Et il y en eut beaucoup des lendemains.   
    Les longs séjours en hôpital, la maladie, les maisons de retraite n’auront pas voulu de toi.
    Dieu t’appelle à lui, vas-y, tu laisses derrière toi tant de belles choses. Une page de la Ville des Glaciers se tourne, mais les pierres n’y pleurent pas.
    Alors, bon voyage  !
( texte intégral du parcours de vie de Gaston RULLIER - Récit d'Estelle MINORET durant les obsèques ce mercredi 18 février 2015 -publié avec son accord )
(   Les photos de la Ville des Glaciers et de la chapelle ND des Neiges sont d’Angèle BOURGEOIS )